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Pour une république souveraine laïque et sociale

Collapsologie et écologie d’incantation : l’arnaque du siècle ?

Par Julien Bouchard, le 25 septembre 2019

Ces derniers mois ont vu se multiplier une forte percée de la conscience écologiste en France et en Europe. La société civile a suivi avec engouement les grèves pour le climat et, sur le plan politique, une percée électorale des partis écologiste s’est observée dans un nombre important de pays européens. L’offre politique semble contrainte de suivre cette nouvelle demande portée par une partie non-négligeable de la jeunesse. Ainsi, même les partis peu connus pour leur engouement écologique en France se sont créé de toute urgence une doctrine pour affronter les élections européennes. Le Rassemblement National a récemment apporté une modernité à la doctrine jusqu’à présent négligée du localisme et, parmi les partis chantres du progressisme, La République en Marche, souhaite faire de l’Union Européenne un champion mondial de l’écologie. Cette prise de conscience peut-elle changer la donne ou est-elle une illusion ?

 

Le combat contre le dérèglement climatique semble être le combat du siècle tant ses causes sont structurellement liées à la fois à nos modèles de société et au sens de l’histoire.

La démographie mondiale ne joue pas en notre faveur. Selon les dernières perspectives de l’ONU[1], la population mondiale, aujourd’hui située entre 7,6 et 7,7 milliards, devrait passer à 9 milliards d’individus en 2050 et atteindre 11 milliards d’ici à 2100. L’Europe sera toujours plus un nain démographique au fil des décennies, même si cela ne la dédouane pas bien entendu de participer à cet effort planétaire.

Le libre échange promu en totem par les instances transnationales, en premier l’Union Européenne, semble toujours plus incompatible avec notre besoin vital de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Et cet antagonisme ne date pas d’hier puisque dès 1971, le GATT jugeait nécessaire de ne pas compromettre les échanges internationaux par des mesures nationales de protection de l’environnement[2]. Dans un contexte où plus de 25% des émissions globales de CO2 proviennent du transport international de marchandises[3], quel poids aurait le petit consommateur européen, déjà perdant dans cette mondialisation qui lui est imposée par le haut, sans un réel effort ambitieux des Etats qui lui imposent cette mondialisation ?

 

Car le constat est amer : à travers les différentes inventions et jouets écologistes du moment, les gouvernements et un certain nombre de personnes mal intentionnées ont l’intention de faire payer la note écologique aux classes moyennes, sur le même modèle que la Crise Financière de 2008. Et un certain nombre d’acteurs jouent inconsciemment leur jeu.

 

La collapsologie : une nouvelle religion ?

 

Peu de personnes sous-estiment toutes les problématiques liées au dérèglement climatique et l’impact qu’elles vont avoir sur notre mode de vie. Un nouveau néologisme est néanmoins apparu et semble désormais bien plus radical. La collapsologie, terme qui n’est pas encore dans le Larousse, désigne tout bonnement la croyance en l’effondrement de notre civilisation entrainé par le dérèglement climatique. Ainsi, des milliards de morts seraient attendus aux horizons 2050[4], et il serait déjà trop tard pour agir. Ce discours pourrait être pavé de bonnes intentions. Mais il a une forte tendance à s’éloigner de la science et des solutions que pourraient nous apporter la technologie et la recherche pour se rapprocher de la désormais célèbre phrase « I want you to panic », prononcée par la jeune militante Greta Thunberg à Davos le 25 janvier 2019[5], militante qui devient malgré elle une icône quasi-religieuse de cette nouvelle pensée. Une icône quasi-religieuse car il est désormais impossible d’adopter une position critique sur ce discours, tant sur la forme que sur le fond, sans subir l’ostracisation médiatique et la réduction ad-nauseum. Car si la collapsologie et sa Pythie du moment s’accommodent parfaitement avec la société de spectacle, que va apporter cette science / religion dans une société déjà anormalement consommatrice d’antidépresseurs ? Cette nouvelle doctrine ne ferait-elle pas le jeu des gouvernements et lobbys, bien décidés à endormir et faire déprimer les foules plutôt que passer à la vraie écologie de l’action ? N’est-il pas inquiétant de voir Greta Thunberg invitée à l’Assemblée Nationale ne pas avoir d’avis sur le CETA, voté le même jour par la majorité parlementaire ? Finalement, comme nous a malheureusement bien habitué ce Parlement fantoche, la venue de Greta Thunberg a été un simple show médiatique, durant lequel des députés comme Aurélien Taché, jeune loup incarnant parfaitement l’hypocrisie macronienne, lui posaient des questions sur ses envies de voyage[6] ! Les vrais débats se tiennent ailleurs.

 

La cynique conversion à l’écologie du pouvoir macronien : un écran de fumée

 

Proclamé leader du monde progressiste, Emmanuel Macron n’a pas d’autre choix que de s’emparer de la question écologique. Comment cela se traduit-il en pratique ?

 

Toujours en s’accommodant avec la société de spectacle, il y a d’abord les grands discours d’indignation du moment. Je passe le « Make our planet great again » prononcé les premiers mois suivant son élection. Les incendies en Amazonie nous donnent un exemple bien plus récent. A juste titre, voir impuissants le poumon de la planète bruler nous fait tous tourner de l’œil et nous savons que les autorités Brésiliennes sont, en partie, responsables de ces incendies par leur encouragement à la déforestation. L’occasion de se refaire une santé internationale en attaquant frontalement Jaïr Bolsonaro, nouvel arrivant dans l’axe mondial populiste, était immanquable pour notre Président. On n’oublie également pas la réaction de Brune Poirson, « prise de dégout », qui souhaite faire répondre le Président Brésilien devant un tribunal international[7]. Dans ce contexte de cacophonie diplomatique, il convient de rappeler que la France est également propriétaire de 83 856 km2 de forêt amazonienne et que l’Elysée n’a pas vraiment de leçons à donner au Président Brésilien quand on connait ses tergiversations sur le projet de la Montage d’Or. Pour rappel, ce projet prévoit un déboisement de 1513 hectares sur un site où sont inventoriés plus de 122 espèces protégées[8].

Oui nous sommes d’accords, Jaïr Bolsonaro n’est pas défendable et sa misogynie dans cette affaire a choqué à juste titre l’Hexagone. Mais, si le Brésil n’était pas dirigé par un Trump tropical, la France se serait-elle plus indignée de ces incendies qu’elle s’indigne des incendies ayant lieu au même moment en Afrique Subsaharienne du fait des feux de brouillis, également à visée agricole, ou encore des incendies déclenchés en Amazonie avant l’arrivée au pouvoir de Jaïr Bolsonaro ? Non, car tout cela n’est qu’une immense opération de communication destinée à se mettre l’électorat écolo dans la poche.

 

Derrière les grands discours tenus en tant que leader du monde progressiste, la majorité présentielle prend-elle au sérieux l’urgence écologique ? A défaut de passer à l’écologie de l’action, le gouvernement nous a concocté un certain nombre de gadgets destinés à amuser les foules. Il a y d’abord la Convention citoyenne sur le climat, avec le tirage au sort de 150 citoyens pour participer aux travaux du Conseil Economique Social et Environnemental, instance jusqu’à présent connue comme un placard doré pour les amis de la République. Le comble est que cette mesure était destinée à répondre à la colère des gilets jaunes et à leur souhait de participer davantage à la délibération publique. Rassurez-vous citoyens, votre colère a été écoutée et 150 personnes issues de la société civile participeront désormais à la rédaction de rapports consultatifs très utiles pour équilibrer les pieds des armoires de Matignon. Invité sur le 7-9 de France Inter le 8 août, Cyril Dion, militant écologiste et nommé par l’Elysée pour être garant de cette Convention[9], n’a alors pas manqué de rappeler l’effondrement imminent de notre civilisation, mais évidemment sans remettre en cause le vote du CETA soutenu par ses commanditaires. Nous assistons à une véritable escroquerie.

Toujours dans le registre du tragi-comique, nous pouvons citer d’autres gadgets comme la nomination de 250 000 éco-délégués dans les collèges et lycées de France ou la publication d’une charte pour lutter contre les déchets sur les plages. Toutes ces mesurettes ne servent en fait qu’à masquer l’impuissance du pouvoir et son refus à la fois de s’attaquer aux causes sérieuses du dérèglement climatique et de donner à l’Etat les moyens nécessaires à cette ambition.

 

Quand allons-nous sortir de cette écologie d’incantation ?

 

La remise en cause des traités de libre échange est fondamentale. Pendant que les collapsologues occupent l’espace médiatique et que le pouvoir surfe sur cette vague pour faire culpabiliser la population et l’occuper avec des discours et gadgets inefficaces, l’Union Européenne poursuit la négociation de traités de libre échange qui sont des véritables armes de destruction sociale, sanitaire et écologique. Malgré tous les signaux d’alarmes émis par la société civile, le CETA a été ratifié cet été et l’annonce du Président de la République de bloquer l’accord avec le Mercosur « en l’état » est à prendre avec des pincettes quand on voit déjà la désapprobation de l’Allemagne et de l’Espagne face à une telle décision. Il est fort probable que, passé la vague d’indignation et de hashtags #PrayForAmazonia, cet accord revienne par la petite porte avec un préambule amendé à la marge. Car nous savons que c’est l’Union Européenne qui a le dernier mot sur ces traités et que l’image d’Emmanuel Macron comme nouveau leader Européen n’a jusqu’à présent que peu convaincu ses partenaires.

Au-delà d’un nécessaire retour au circuit court, la France et l’Europe ne pourront pas prendre le leadership d’un changement écologique radical sans une transition écologique ambitieuse. Une transition écologique ne s’invoque pas, elle est impulsée par un Etat stratège qui donne un cap et par une stratégie industrielle à long terme. Une planification et un investissement public massif dans des secteurs d’avenir, d’ailleurs pas limités à l’écologie mais également au big data et l’intelligence artificiel, nous permettrait d’être à nouveau acteurs dans la lutte contre le dérèglement climatique. Si l’Union Européenne, bloquée par sa formidable puissance d’indécision, souhaite rester passive, la France doit prendre l’initiative par elle-même, et donc affronter le verrou ordo-libéral imposé par les institutions maastrichtiennes.

Par ailleurs, une transition écologique ambitieuse est impossible sans la maitrise de nos infrastructures et de notre appareil industriel. Or, ces biens sont systématiquement pillés et démantelés avec la complicité du pouvoir. Nous avons assisté impuissants au racket de la branche énergie d’Alstom imposé par le Department of Justice Américain et avalisé en France par sa Direction, l’Elysée et Bercy. Nous assistons aujourd’hui au projet de privatisation des Aéroports de Paris, laissant la seule rentabilité privée commander les enjeux environnementaux liés au trafic aérien. Enfin, la mise en demeure prononcée par la Commission Européenne le 7 mars dernier pour que la France ouvre à la concurrence ses barrages hydrauliques va également privilégier la maximisation des profits par rapport à l’investissement et l’entretien de ces installation, et à la prise en compte d’activités connexes (protection des eco-systèmes, irrigation des champs, loisirs touristiques etc.).

 

Il est clair que la sortie des traités de libre échange et la planification écologique se heurtent aux intérêts des puissants, résolument décidés à profiter un maximum du système actuel et, lorsqu’il sera trop tard, envoyer la facture aux peuples. Tous les ingrédients sont réunis pour arriver à cette fin :

·         En s’appuyant sur les discours apocalyptiques des collapsologues, la volonté est de faire culpabiliser la population ;

·         Par l’écologie d’incantation et la mise en œuvre de mesurettes, les causes profondes du dérèglement climatique ne sont pas traitées ;

·         Le discours sacrificiel est désormais teinté de vert. La France s’était habituée aux discours sacrificiels depuis le tournant de la rigueur de 1983. Les français ont d’abord dû faire des sacrifices pour assurer la compétitivité du pays, pour préparer l’entrée dans l’Euro, pour sortir de la Crise de 2008 et maintenant pour sauver la planète ;

·         Petit à petit, le petit consommateur reçoit des injonctions lui demandant de passer à la caisse. Nous l’avons vu à travers la taxe Carbonne, élément catalyseur de la colère des gilets jaunes qui ont mieux que quiconque compris les tenants et aboutissant de cette taxe.

Collapsologie et écologie d’incantation sont bien les arnaques du siècle !



[2] GATT, “Industrial pollution control and international Trade”, 1971

[3] Cité par Mehdi Abbas, Libre-échange et changements climatiques : soutien mutuel ou divergence ? https://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2013-2-page-33.htm 

 

5 commentaires

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