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Pour une république souveraine laïque et sociale

Manifeste

La dissolution de la France atteint sa phase critique. La crise dont elle est saisie n’est pas celle d’un simple changement du personnel politique, mais de l’entrée du pays dans une ère post-politique, et donc post-nationale. La trahison des élites, partout en Europe, a entraîné les peuples dans une nouvelle forme de servitude. Un réveil national s’impose comme la véritable alternative à la morosité dans laquelle nous sommes plongés : ce réveil doit impliquer de façon décisive les couches populaires et les classes moyennes. Or, les souverainistes de tous bords sont affaiblis par leurs divisions et leur incapacité à porter une solution historique à cette crise. Entre une droite, estimant que le démantèlement de notre modèle social ne va pas assez loin, et une gauche, ayant renoncé depuis longtemps au peuple au profit de satisfactions individualistes et communautaristes, il est plus que temps de laisser mourir les partis politiques qui ont oublié la France. Tous ceux qui revendiquent pour la Nation son droit à l’existence, ce qui implique l’exigence de la souveraineté, savent qu’il ne peut y avoir ni démocratie, ni peuple, ni État si l’on ne peut être maître chez soi et maître de ses choix. En matière de souveraineté nous devons tout recouvrer, en matière sociale tout réinventer. Le renoncement à toute ambition, maquillé par le vocabulaire de la modernité et des milieux économiques et financiers, est un abîme dont nous apercevons dangereusement les tréfonds. Entre la loi de la jungle et la Nation, il faut choisir, et le souverainisme se doit d’identifier clairement les enjeux du XXIe siècle pour les surmonter :

  • La dimension sociale du souverainisme induit l’articulation entre la question sociale et la question nationale, entre les problématiques du monde moderne du travail et leur résolution par la reconquête de notre souveraineté. Nous n’avons plus le droit d’abandonner nos travailleurs à la précarité, ni d’exploiter la misère à l’étranger au nom du profit. Partout, on constate le règne de l’abstraction des chiffres, le mépris du réel et la dégradation générale des conditions de travail. L’issue pour les couches populaires n’est pas la désignation de l’étranger comme bouc-émissaire. Nous devons donc porter un nouveau regard sur cette question du travail, à un moment où l’accélération du progrès technique touche de façon essentielle les conditions de son exercice. Il nous faut donc nous interroger sur le travail comme produit de l’histoire, ce qui implique de repenser à nouveaux frais les notions de progrès, de bien-être et de loisir.
  • La dimension culturelle du souverainisme consiste à s’interroger sur une emprise intellectuelle et morale contre laquelle notre pays est désormais impuissant. L’hégémonie d’une sorte de culture mondialisée, reflet du globalisme marchand, sape la vitalité des cultures nationales. La colonisation des imaginaires selon le modèle du capital global impose sa logique et ses normes, mais surtout ses conduites et ses valeurs. Le tribalisme, tout comme l’importation massive de ces modèles culturels aliénant, nous affaiblissent : au mieux, ils nous divisent, au pire ils nous asservissent. La France est une communauté de culture, c’est pour cela qu’elle est nationale. La République en assure l’accès à tous : c’est là une dimension trop négligée de sa dimension sociale. Notre république ne doit pas permettre la promotion d’une déclinaison folklorique-française du schéma planétaire de l’utilitarisme dominant.
  • La dimension diplomatique du souverainisme consiste à imposer et à s’imposer lorsque la situation l’exige. La lutte contre le terrorisme et la conduite de la guerre, mais aussi le concert des nations, supposent que la France retrouve une parole libre et contribue à une politique d’équilibre, comme elle l’a toujours fait. La France doit faire valoir ses intérêts, et non ceux de puissances étrangères ; la République ne s’immisce pas dans les affaires des autres, elle n’a pas à supporter que l’on s’immisce dans les siennes.

Nous désirons mettre la souveraineté au service de la promotion d’une économie du bien commun qui se fonde sur l’égale liberté de tous. Mais défendre la souveraineté, c’est affronter des forces nombreuses et diverses ; qu’elles soient économiques ou financières, politiques ou idéologiques. Ces forces se sont données pour but de dissoudre les souverainetés nationales et les peuples d’Europe dans un village mondial : il n’y aurait plus de culture nationale mais seulement la satisfaction de besoins hédonistes toujours plus nombreux et toujours plus insatiables. Le Marché en serait la nouvelle divinité et les politiques ne seraient plus que des gestionnaires avec des traités de libre-échange comme évangiles.

Le Brexit et la gronde populaire au travers de l’Europe contre les forfaitures des classes dominantes montrent, cependant, que cette prétendue marche de l’Histoire n’est qu’un mythe. Il faut mettre un terme à la campagne antipopuliste des élites qui consiste à discréditer le peuple et, à travers lui, la démocratie. Ce qu’a fait une politique néolibérale, une politique républicaine et sociale pourra le défaire. La République elle-même se doit donc d’être révolutionnaire, ce qui implique, entre autres, de créer une Europe fondée sur la libre association de républiques.

Ce sont les peuples qui sont la permanence de l’Histoire, ce sont les peuples qui devront nourrir un « bloc historique », large alliance de classe, contre les puissances qui les en ont sortis. Nous avons fait l’erreur de croire que l’incantation de formules magiques, de mots-valises et des campagnes virtuelles pourraient se substituer à la politique ; ce fut une grave erreur. Nous avons oublié que c’est le citoyen qui fait la République. L’accroissement des richesses n’est pas, et n’a jamais été, un accroissement des valeurs humaines. Il ne peut y avoir de citoyens libres dans une communauté où la puissance et la richesse de quelques-uns corrompent les lois et la politique en faveur de leurs intérêts particuliers. C’est pour cela qu’il est primordial de revenir à cette précieuse chose publique que nous partageons tous. La République sociale n’est pas qu’un simple moyen d’organisation de la société. La République sociale ne veut ni la fin de l’État ni du progrès ; c’est qu’elle ne confond pas l’État avec la bureaucratie, le progrès avec le développement technique. La République sociale ne confond pas la liberté de faire quelque chose avec la liberté pour faire quelque chose.

Il n’y a rien à céder aux velléités qui rêvent d’asseoir un tribalisme ethnique et religieux. C’est pourquoi nous devrons retrouver le désir du féminisme : il ne peut y avoir de république, de cosouverains exerçant leurs droits et leurs devoirs, si la moitié de l’humanité est asservie ou assignée à résidence identitaire. C’est pourquoi nous devons aussi lutter pour la laïcité : l’émancipation du peuple implique le rejet des prétentions politiques du religieux. Et il faut, en même temps, combattre le communautarisme, car les communautés construites par certaines idéologies religieuses ou raciales brisent le peuple et affaiblissent la Nation.

La République n’est pas pour nous un simple cadre juridique : elle est une forme puissante de politique basée sur les vertus politiques nous liant les uns aux autres et nous rendant cosouverains et responsables les uns des autres, ce que nous nommons compatriotisme. La seule garantie de la coexistence collective se trouve dans la Nation, pas dans ce qui la divise.