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Pour une république souveraine laïque et sociale

Tribune libre: la nation à l’épreuve de la globalisation

Par Faouzia Gariel-Mennouni, le 4 décembre 2018

L’article de Jacques Sapir récemment publié par NRS a suscité bien des controverses. Si l’engagement de notre association contre le communautarisme et pour la laïcité rencontre un très large assentiment, l’on s’interroge encore sur le bien fondé de défendre l’idéal d’une république souveraine. Et l’on fait remarquer que la souveraineté italienne (c’est l’exemple du jour) est certes limitée par l’Union Européenne, mais une telle limitation traduirait le simple fait de l’interdépendance économique. En transposant cette idée à la France, une opinion se dessine alors : il serait possible de transférer la souveraineté du peuple français à cet embryon fédéral qu’est l’UE : c’est la position du président Macron. L’Allemagne, qui domine la France en bien des domaines, attend même que son voisin cède son siège au Conseil de Sécurité de l’ONU. Ceux qui doutent encore de cette domination sont invités ici à se souvenir de l’attitude allemande vis-à-vis de la Grèce et de l’attitude volontairement servile de la France, ou plutôt de ses représentants officiels. Saluons toutefois cette idée que, à la différence des gauches ultra et de la mouvance libérale (de gauche comme de droite), la présidence de la république française part du postulat que la souveraineté est un concept encore décisif pour notre temps. Mais, pour des raisons sur lesquelles il nous faudra revenir plus longuement, il faut admettre un fait : le peuple européen n’existe pas. Dès lors, le supposé « transfert de souveraineté » au « niveau européen » ne sera jamais que la résurrection d’un projet impérial où un centre régnera sur une périphérie, c’est-à-dire la (re)naissance d’une hiérarchie politiquement instituée entre nations. Telle est notre conviction, mais que s’ouvre le débat !

Dans mon précédent billet, j’ai illustré la menace d’atomisation culturelle, que fait peser sur la nation la montée des identitarismes ethno-confessionnels. Une autre question occupe aujourd’hui le devant de la scène : celle de la mondialisation ou de la globalisation, ce dernier terme rendant sans doute mieux compte de la réalité des stratégies contemporaines du Capital, pour lequel la nation se résume à un espace marchand parmi d’autres. Sans remonter aux premières formes de mondialisation observées dès la conquête de l’Amérique au XVIe siècle, nous limiterons notre analyse à la période récente qui a consacré le triomphe du libéralisme économique sur toute autre forme de régulation des marchés(1).

La conversion des élites, à partir de 1982, au credo néo-libéral et leur abandon progressif/parallèle des politiques économiques d’inspiration keynésienne (2), a ouvert la voie à l’extension planétaire du marché désormais affranchi des contraintes réglementaires des espaces nationaux. Présenté par ses défenseurs comme l’alpha et l’oméga du retour à une croissance saine et au plein emploi, il a graduellement séduit tous les gouvernements européens de droite comme de gauche. Ainsi a-t-on assisté partout à la déréglementation progressive du marché du travail et des marchés financiers, aux privatisations successives ou à  l’ouverture à la concurrence des anciens monopoles publics, ainsi qu’à la conversion du management public aux critères de rentabilité et d’efficacité, au détriment, bien souvent, de la qualité du service public et parfois même du sens de sa mission. Cette logique s’étend aujourd’hui à la gestion hospitalière, avec la fermeture d’unités et de services considérés comme non rentables, étendant ainsi le désert médical et ses conséquences néfastes à une part toujours plus importantes de nos territoires. Le même procédé est à l’œuvre derrière l’externalisation croissante d’un certain nombre d’activités et de services des administrations publiques vers le secteur privé.

La déréglementation tous azimuts a facilité la spéculation financière, encouragée par la libéralisation totale (croissante ?) des mouvements de capitaux qui peuvent ainsi migrer d’un pays à l’autre au gré des taux de rendement offerts et donc des rémunérations qui en découlent. Les exigences accrues de rentabilité conduisent alors les entreprises non seulement à sacrifier les investissements de long terme, mais aussi à tenter, par des moyens divers (délocalisation, recours à des sous-traitants, contractualisation des emplois, embauches en CDD ou encore recours à l’intérim, etc.) de contenir ou de réduire le coût du travail. Les délocalisations, qu’elles soient intra-européennes ou à destination d’autres pays à bas coût dans le reste du monde, sont ainsi devenues un des moyens les plus efficaces de satisfaire l’appétit sans limites du Capital nomade. Une telle stratégie conduit à une précarisation des statuts des travailleurs les plus fragiles, désormais exposés à la concurrence mondiale, et a aussi fait resurgir le spectre de la pauvreté et du chômage chronique ou de longue durée. Le nombre de ménages dépendants des aides sociales n’a cessé d’augmenter, tout comme le nombre d’enfants vivant dans les familles pauvres (3 millions en France en 2017).  

Les contraintes imposées par cette économie globalisée signe la mort lente et programmée de l’Etat-Providence. Il n’est désormais qu’un simple gestionnaire des équilibres. La mobilité du capital, combinée aux contraintes de la monnaie unique et du pacte de stabilité et de croissance, réduit singulièrement la marge de manœuvre de l’Etat. Celui-ci ne pouvant plus taxer le capital au risque qu’il s’enfuie, la seule politique possible consiste en la réduction des déficits publics par la compression des dépenses et dans le développement de l’attractivité du territoire national pour les investisseurs étrangers. Il en résulte que l’Etat a non seulement perdu la souveraineté de la politique monétaire (3), mais qu’il n’est également plus maître de la politique budgétaire et qu’il doit dorénavant se conformer aux critères du pacte de stabilité et de croissance ou PSC (4). Par ailleurs, la concurrence fiscale qui existe de fait au sein de l’UE, facilite l’évasion fiscale et les délocalisations, ce qui détériorent en retour l’état des finances publiques nationales et de l’emploi.  Le dérapage des déficits et de l’endettement publics devient alors inévitable, et les niveaux atteints incompatibles avec les critères du PSC. 

La mondialisation, combinée au progrès technique, a modifié en profondeur la structure de l’emploi et révélé toute l’hétérogénéité des fragilités qui caractérisent les différents métiers. D’un côté, les professions à haut niveau de qualification continuent de bénéficier de la stabilité de leurs statuts et de rémunérations élevées ; à l’autre bout du spectre, les emplois faiblement qualifiés sont les plus soumis aux nouvelles modalités de la concurrence puisqu’ils peuvent être occupés par des travailleurs immigrés, dans les services à la personne et ou dans le BTP par exemple ; enfin, prise en étau, la multitude des emplois intermédiaires de la fonction publique et du privé, qui constituaient le cœur de la classe moyenne, a pu graduellement constater l’érosion de ses statuts et la stagnation ou la baisse de ses revenus. Ces mêmes classes moyennes tendent par conséquent à se précariser, faisant ainsi basculer un nombre croissant de ménages vers le déclassement social et résidentiel. En outre, le blocage de la mobilité sociale nourrit la rancœur contre les élites mondialisées. On ne peut que constater la corrélation entre la globalisation croissante et le creusement des inégalités de revenus, de sorte que le nombre de milliardaires augmente tout comme celui des pauvres. Tel est le paradoxe de notre temps (5) (6).

La mondialisation économique et financière, en tant que phénomène concret, produit également des effets politiques. Elle n’est ainsi pas sans rapport aujourd’hui avec la montée des « populismes » de droite et de gauche, qui se manifeste par l’opposition toujours grandissante à toute forme de souveraineté supranationale comme l’on illustré récemment le Brexit, ou encore le rejet du fonctionnement actuel de l’Union Européenne par un certain nombre de pays de l’Europe centrale ou du Sud (Hongrie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Italie). Cette nouvelle forme de nationalisme, progressivement nourrie par l’accumulation des contraintes liées à la mondialisation, s’incarne aujourd’hui dans la volonté de limiter voire d’interdire toute immigration extra-européenne, ou encore de restreindre le programme de protection sociale aux seuls nationaux, et séduit aujourd’hui une part croissante de ce qui reste de la classe ouvrière et des classes moyennes inférieures. Enfin, il convient aussi de noter que l’immigration est utile à l’Etat et aux entreprises capitalistes, qui en ont fait le moyen d’exercer une pression à la baisse sur le coût du travail. En d’autres termes, l’immigration permet de flexibiliser la main d’œuvre et ses conditions de travail, aussi bien dans la fonction publique hospitalière où nombre de services voient leur fonctionnement assuré notamment par le recours indispensable aux internes étrangers en provenance du Maghreb, d’Afrique noire  ou d’Europe centrale, que dans de nombreux autres secteurs d’activités comme le bâtiment ou de nombreux services marchands (logistique, livraison, etc.). Mondialisation et immigration sont intimement liées. Le marché du travail mondial alimente l’économie globalisée, laquelle crée des tensions entre efficacité, rentabilité et équité (justice ?) sociale. 

Je suis d’avis que cette équation complexe, qui pouvait par le passé trouver des solutions au sein de nations relativement souveraines, ne peut aujourd’hui être résolue dans le cadre d’espaces nationaux toujours davantage amputés de leur souveraineté. Évidemment, une telle position n’est pas celle que défend actuellement Nation & République Sociale. Mais, je pense que, dans la période de troubles que nous traversons, il est nécessaire d’instituer véritable union politique de l’Europe, qui ne se limite pas à une union économique et monétaire, afin de réellement créer un espace souverain vis-à-vis des autres acteurs de la mondialisation tels que la Chine, les Etats-Unis, la Russie, le Brésil ou encore l’Inde, pour ne pas causer le retour à des nationalismes qui seraient destructeurs pour les économies européennes. Le débat doit donc s’ouvrir.

Notes.

(1) André Joyal, Le néolibéralisme à travers la pensée économique. Apologie et critique, Presses de L’Universite Laval.(2) J.M Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Bibliothèque scientifique Payot, 1969.(3) La BCE, gardienne de la stabilité de l’Euro, conduit la politique monétaire pour l’ensemble des pays de la zone euro, dont la stabilité macroéconomique demeure la priorité. Elle se fixe notamment pour objectifs une faible inflation. (4) Le PSC a été adopté au Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997. Il est l’instrument dont se sont dotés les pays de la zone euro pour coordonner leurs politiques budgétaires nationales, afin de contenir les déficits excessifs. Il prolonge les dispositions du traité de Maastricht relatives à l’adhésion à l’Union Economique et Monétaire. Pour résumer, les Etats sont tenus de limiter leur déficit public (Etat, collectivités territoriales et sécurité sociale) et leur dette, respectivement à 3% et 60% du PIB. Dès qu’un Etat dépasse ce critère, le conseil Ecofin adresse des recommandations aux Etats concernés pour mettre fin à cette situation. En cas de refus, des sanctions financières sont prévues. (5) Daniel Cohen, Richesse du monde, Pauvretés des Nations, Flammarion, 1997.(6) Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle, Seuil, 2013. 

 

4 commentaires

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