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Pour une république souveraine laïque et sociale

Regards sur la laïcité

Par Faouzia Gariel, le 15 juin 2021

I-Un bref rappel historique de la laïcité

 

La Révolution française (1789) marquera une rupture avec la monarchie de droit divin qui faisait du catholicisme une religion d’État, c’est alors la première étape de la laïcisation de la France. La déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 établit que la religion est une affaire de conscience et proclame la liberté religieuse « Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses ». Ce texte fondateur entame la sécularisation de la France, les droits civils des protestants sont reconnus, et les juifs accèdent à la citoyenneté. Celle-ci n’est plus conditionnée à une quelconque appartenance ethnico-religieuse. 

 

En 1795 sous le régime du directoire, la séparation des Eglises et de l’État sera proclamée selon des modalités proches de celles qui sera plus tard la loi de 1905. La loi de 1905 met un terme au concordat, un traité signé avec le Pape en 1801 qui fixe les relations entre l’État et le Saint Siège, l’Alsace Moselle à l’époque faisait partie du territoire allemand. Elle institue la séparation des Eglises et de l’État, traite de la question des lieux de culte, des associations cultuelles et de la police des cultes. Aucun culte n’est reconnu en France en tant que religion d’État, encore moins privilégié ou subventionné, le budget des cultes est supprimé, à l’exception de celui des aumôneries militaires, scolaires et pénitentiaires. Chaque culte organise et finance ses activités et ses édifices sans l’aide de l’État.

 

La constitution de la Vé république a inscrit le principe de laïcité dans son article 1. Sur le plan juridique elle sépare le pouvoir politique des organisations religieuses. La loi de la république est neutre vis à vis du fait religieux, garantit la liberté de culte tant que les manifestations religieuses respectent l’ordre public, proclame la liberté de conscience et assure le pluralisme des opinions religieuses.  Ce principe constitutif de l’égalité républicaine, est formulé dans l’article 2 de la loi de 1905 «la république ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte (…) ».

 La laïcité ne consiste pas à combattre les religions, ou à proclamer un athéisme d’État, mais à empêcher leur emprise dans l’exercice du pouvoir politique et administratif, et plus généralement sur la société. Elle renvoie tout ce qui relève de la spiritualité au domaine exclusif de la conscience individuelle et de la liberté d’opinion. En ce sens elle est ce qui permet le vivre ensemble dans une société multiconfessionnelle. Elle est héritière de l’universalisme émancipateur. La laïcité conjugue la liberté de conscience, l’égalité de traitement des cultes et des croyants qui ne sauraient se prévaloir d’un régime d’exception.

 

Toutefois, le régime concordataire qui organisait les cultes catholique, luthérien, réformé et israélite sera maintenu par la loi du 1er juin 1924, en Alsace-Moselle, redevenu Français après la première guerre mondiale. (1) Le principe de laïcité et l’exigence de neutralité s’appliquent aux seules personnes travaillant dans le cadre d’un service public. Il ne s’applique donc pas à ses usagers, ni à ceux de l’espace public. Si les institutions représentatives des cultes chrétiens et israélites ont bien acté le principe de la laïcité et s’y sont pliées, des problèmes nouveaux sont apparus depuis une trentaine d’années avec l’islam et plus particulièrement l’islamisme.

 

 

(1) La France est le seul pays à avoir inscrit ce principe de laïcité dans sa constitution. Certains pays connaissent un régime concordataire ( Allemagne, Autriche, Espagne, Italie, Pologne, Luxembourg, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie et France-Alsace-Moselle).Toutefois,  Outre l’Alsace -Moselle, le système concordataire est maintenu en Guyane, en Nouvelle Calédonie, à Wallis et Futuna et à Mayotte où les cadis ( juges des tribunaux qui appliquent la Charia) sont rémunérés par l’État, et le statut personnel y est toujours régi par le droit musulman.

 

II-La République face à la gestion de l’islam et la montée de l’islamisme 

 

 1) Les problèmes posés par la gestion de l’islam

 

            Pourquoi parler de gestion de l’islam dans un pays qui a fait de la neutralité de l’État vis à vis des cultes un principe constitutionnel ?

 L’islam représente aujourd’hui la 2ème religion de France et la première par l’observance des rites. Le nombre de musulmans étant estimé à 7% de la population, ils ne forment pas et de loin un bloc homogène de par la diversité de leurs origines, de leur statut socioprofessionnel, de leur rapport au culte (pratique régulière, sécularisation voire abandon de l’islam). Toutefois, l’islam sunnite constitue la forme dominante de l’islam en France, compte tenu du fait que l’immense majorité des musulmans de France sont originaires du Maghreb et de Turquie.  

 

A la différence du catholicisme et du judaïsme qui sont dotés d’interlocuteur unique avec l’État, et qui respectent le principe de la laïcité dans l’exercice de leur ministère, l’Islam sunnite ne connaît pas de hiérarchie ecclésiale à la différence du chiisme.  Son organisation relève dans l’ensemble des pays sunnites du ministère des Waqfs (affaires islamiques), qui finance la construction des mosquées, supervise la formation des imams, leur affectation et les prêches dans les mosquées. Plus qu’une simple spiritualité, l’Islam est une religion de la loi (la Charia) qui tire sa source du Coran et des hadiths (ensemble de textes rapportant les dires et les comportements du prophète).

 

La loi de 1905 n’autorisant pas le financement public des cultes, la France sous-traita la gestion de l’islam de France aux pays d’origine des musulmans, une sorte de concordat avec chaque pays concerné. Cet islam dit consulaire s’est traduit par l’ingérence étrangère dans le financement des lieux de culte, des associations cultuelles, la formation et l’envoi des imams dont certains ne maîtrisaient pas le français, des écoles confessionnelles musulmanes.  Les musulmans français étaient de facto placés sur le plan religieux directement sous la tutelle de leurs pays d’origine dont ils conservaient la nationalité.

 

Jusqu’en 1973, la grande mosquée de Paris est le principal lieu de culte musulman en France. La grande mosquée de Lyon est construite quasi entièrement avec des fonds du roi Fahd Ben Abdelaziz Al Saoud. Cette date marque le début du financement saoudien des lieux de culte salafistes (2) en Europe grâce à l’abondance des pétrodollars (1er choc pétrolier).

 

En 1990, Pierre Joxe, alors ministre de l’intérieur sous la présidence de François Mitterrand, lance le conseil de réflexion sur l’Islam de France, chargé de présenter des propositions pour l’organisation du culte des musulmans dont le nombre a considérablement augmenté notamment avec le regroupement familial. Neuf imams sur dix en France venaient de l’étranger. Dans son discours du 23 novembre 1997, Pierre Chevènement insista sur la nécessité pour le gouvernement d’intégrer l’islam dans la communauté nationale. La France comptait à l’époque quatre millions de résidents de culture musulmane dont la moitié étaient de nationalité française, de sorte que l’Islam est devenue la deuxième religion de France.

 

Le Président Nicolas Sarkozy créa en 2003 le conseil français du culte musulman, une association de la loi de 1901 placée sous l’égide du ministère de l’intérieur, et qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse. Le CFCM intervient dans la construction de mosquées, dans le marché des aliments halal (3), dans la formation de certains imams, dans le développement de représentations musulmanes dans les prisons et dans l’armée française, dans la nomination d’aumôniers dans les hôpitaux et dans la construction de carrés réservés aux musulmans dans les cimetières. Il coordonne également la date des évènements religieux comme le Ramadan.

 

Le 9 mars 2017, le CFCM crée «la charte de l’imam ». Dans un contexte français post-attentats, cette charte a pour but d’aider les mosquées à lutter contre la radicalisation, et faisant du respect de cette charte un critère de recrutement de l’imam. Mais on peut regretter l’abandon d’une exigence laïque : le droit de changer de religion, qui est toujours criminalisé en islam. Dans de nombreux pays musulmans l’apostasie est passible au mieux d’une incarcération de durée variable, et au pire de la peine de mort en vigueur aujourd’hui dans 10 pays dont l’Arabie Saoudite, pays avec lequel nous entretenons d’excellentes relations diplomatiques et économiques.

 

Le nombre de délégués élus aux conseils régionaux du culte musulman se calcule en fonction de la surface des lieux de culte, ainsi une salle de prière de 100 mètres carré donne droit à un délégué, et à 15 si elle est supérieure à 800 mètres carré. D’où la course au gigantisme ! En Janvier 2020, Fatih Sarikir, membre du MILLI GÖRÜS turc, a obtenu le siège stratégique de secrétaire général du CFCM, fonction qu’il cumule avec celle de Président de l’Union européenne pour l’enseignement privé musulman (UEPM).

 

2) Qui forme les imams en France ?

 

Deux filières cohabitent. L’institution européen des sciences humaines (IESH) crée en 1992 à Château Chinon, dans la Nièvre, sous l’influences des frères musulmans (4) dont l’activité est partiellement financée par le Qatar au travers de l’ONG Qatar Charity. Il revendique 1000 inscrits chaque année. Et l’institut Al Ghazali fondé en 1993 et dépendant de la grande mosquée de Paris, forme une cinquantaine d’imams par an. Son financement provient des frais d’inscription et le soutien de la mosquée.

 

Pour mettre fin à cet islam sous influence étrangère, le Président Emmanuel Macron reçut le 19 novembre 2020 les dirigeants du CFCM qui, à sa demande, ont présenté les grandes lignes d’un conseil national des imams qui sera chargé de labelliser les imams en France. Le chef de l’État leur a accordé quinze jours pour venir lui présenter une charte affirmant la reconnaissance des valeurs de la république, précisant que l’islam est une religion et non un mouvement politique, et mettant fin à l’ingérence ou l’affiliation à des Etats étrangers. La formation des imams en France et le financement de ce cursus sont au cœur des mesures avancées par l’Elysée pour combattre le séparatisme islamiste (5).

 

            Trois fédérations du CFCM ont refusé de signer la charte sur l’islam de France. Ce sont le comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) ainsi que le Millî Görüs (confédération islamique du Milli Görüs – CIMG), et le mouvement foi et pratique, proche des prédicateurs rigoristes du Tabligh (des salafistes quiétistes). Ils réclament des amendements au texte dont ils saluent l’esprit mais pas le contenu.

  « Nous pensons que certains passages et formulations du texte soumis sont de nature à fragiliser le lien de confiance entre les musulmans de France et la nation » ont écrit les trois fédérations membres du CFCM.

 

Le refus des fédérations dissidentes risque de fragiliser le CFCM, dirigé actuellement par le

Franco-Marocain Mohammed Moussaoui, qui est devenu au fil des années le principal interlocuteur des pouvoirs publics sur l’islam, mais sa représentativité est sans cesse remise en cause, car il défend un islam soufi du juste milieu et dépolitisé, ce qui n’est pas pour plaire aux islamo-conservateurs du Milli Görüs et du Tabligh.

 

3) La menace islamiste

 

            Deux dates clés doivent retenir notre attention, 1979 et 1989. La première consacre le triomphe de l’islam politique avec la révolution islamique d’Iran qui va déclencher une surenchère de la diplomatie religieuse de l’Arabie Saoudite et du Qatar.  Riches de leurs pétrodollars, ces deux pays vont contribuer, le premier à l’exportation du salafisme et le second au financement de l’organisation des frères musulmans dans le monde entier. Un panislamisme par ailleurs largement soutenu par les Etats-Unis contre le communisme, va progressivement supplanter le nationalisme arabe laïcisant. Avec l’effondrement du bloc soviétique en 1989, l’islamisme connaît une expansion mondiale de Kuala Lampur à Rabat, sans épargner l’Europe et l’Amérique du Nord. Une expansion qui va se traduire par la multiplication des mosquées salafistes financées par l’Arabie Saoudite, la création d’organisations affiliées à la confrérie des frères musulmans dans les pays occidentaux grâce à leur argentier qatari.

 

            L’affaire du voile de Creil en 1989 a fait date dans la prise de conscience du gouvernement français de la menace islamiste. En 2004, le gouvernement prononce l’interdiction du voile islamique et de de tous les signes religieux pour les élèves des établissements publics.  Cette interdiction avait suscité une levée de bouclier et une mobilisation contre cette loi jugée liberticide, et fut interprétée comme un acte islamophobe, un adjectif utilisé par les islamistes pour obtenir gain de cause.

 

            Pour simplifier, les salafistes et les frères musulmans sont les deux principaux acteurs de l’islamisme. Bien que partageant la même matrice idéologique –le combat pour le règne planétaire de l’islam global, en tant non seulement comme religion, mais comme principe d’organisation de la vie sociale et politique -,   ils se distinguent par leur mode opératoire et leurs pratiques.

 

            Les salafistes pratiquent un islam rigoriste, de par leur lecture littéraliste du Coran considéré comme la parole révélée de Dieu à son prophète, valable en tout temps et tout lieu et que toute lecture contextuelle du texte scripturaire relève de la Bid’a (une innovation blâmable).  Ils appellent les musulmans à vivre l’islam des « pieux ancêtres- les salafs », ceux des premiers temps de l’Islam au VIIè siècle, en imitant le comportement du prophète et de ses premiers compagnons, à faire leur « hijra » en terre d’islam, et à refuser la soumission aux lois des mécréants (les kouffars). Ils font de la prédication un devoir, et du djihad un combat dans le sentier de Dieu. Il existe aujourd’hui en France des quartiers, voire des communes entièrement salafisés, où la population musulmane est livrée à la pression des religieux qui veillent à y faire appliquer la Charia. Aucune jeune fille ne peut porter une jupe et le voile est devenu la règle, voire le jilbab qui couvre les femmes de la tête aux pieds ne laissant apparaître que leur visage depuis que la burqa a été interdite en 2010. Dans ces quartiers le commerce hallal s’est substitué à tout autre commerce, y compris pour les salons de coiffure non mixtes et qui doivent opacifier leurs vitres pour protéger les femmes du regard des hommes ! On y trouve des librairies islamistes qui affichent en toute impunité dans leurs rayons les ouvrages d’auteurs comme Ibn Taymiyya (XIII-XIV è siècle, le théoricien du salafisme) et qui appellent clairement au djihad contre « les kouffars ».  Dans ces quartiers, des écoles salafisées non mixtes scolarisent des filles voilées y compris dans le cycle élémentaire, et ce dans l’indifférence des élus locaux qui font passer leur mandat avant le respect des valeurs de la république.

 

            La frontière entre le salafisme quiétiste et djihadiste est très poreuse, car tous les djihadistes sont passés par la case du salafisme quiétiste, avant de prendre les armes ou tout autre moyen pour commettre des attentats meurtriers comme ceux que notre pays connaît depuis 2015. A mesure que se salafisent ces quartiers, les populations françaises de souche tout comme les musulmans français sécularisés les quittent, et ils finissent par se transformer en ghettos quasi-fermés dans lesquels la charia se substitue aux lois de la république. Il est regrettable de constater que nombre de musulmans ont alerté sur ce phénomène, alerte à laquelle les pouvoirs publics sont restés sourds !

 

            Les frères musulmans quant à eux sont plus modernistes et condamnent officiellement l’appel à la violence. Ils ont un agenda politique pour la conquête du pouvoir et le contrôle des musulmans de France. Ils sont très actifs à travers nombre d’associations représentatives de leur idéologie. On peut citer le CCIF récemment dissout par le ministre Darmanin, L’association LALLAB qui défend un féminisme islamique, les Musulmans de France (ex UOIF), les étudiants Musulmans de France (UEMF) et bien d’autres. Ces associations encouragent l’exaltation de l’identité musulmane à travers sa visibilité dans l’espace public par un style vestimentaire repérable, la norme « hallal » qui couvre aujourd’hui non seulement l’alimentation, mais aussi l’habillement, les cosmétiques, la pharmacie, la finance, le tourisme et les loisirs. Le champ du marché hallal est sans limite car on peut du jour au lendemain déclarer illicite (haram) tel ou tel produit et lui substituer un concurrent hallal. Les musulmans sont invités à ne pas se « soumettre » au mode de vie « décadent » et « immoral » des Occidentaux.  La laïcité est souvent invoquée seulement quand il s’agit de la séparation de l’État et des Églises, mais nullement ne lorsqu’il faut respecter ses principes républicains. Tout comme quand les frères musulmans opposent la « pudeur » de la femme musulmane, à l’« extravagance » de la femme occidentale. La pudeur est ici synonyme de voile et de vêtements couvrants, et non de décence vestimentaire inscrite dans la loi républicaine. Ils ont fait de l’islamophobie le fonds de commerce de leur rhétorique victimaire.

 

            L’entrisme dans les différentes institutions publiques (administrations, universités, lycées, écoles supérieures, hôpitaux …) constitue l’instrument privilégié de leur stratégie. Celle-ci a pour objectif d’édifier la personnalité de l’être musulman et doit prodiguer une protection contre « l’invasion et l’aliénation culturelle, « garantir la sécurité culturelle et l’immunité nécessaire au développement de la personnalité du musulman », selon le document officiel de l’organisation islamique pour l’éducation et la culture (Isesco), l’équivalent de l’Unesco pour l’organisation de la coopération islamique (OCI), la version panislamique de l’ONU. Ce texte intitulé L’action islamique culturelle à l’extérieur du monde islamique a été publié à Doha, Qatar, en 2000, le grand argentier des frères musulmans dans le monde. L’islam politique n’incarne pas la civilisation islamique, mais une idéologie qui nourrit une aversion pour la démocratie libérale et la laïcité, elle appelle les musulmans à rejeter les valeurs de l’Occident, et à renouer avec le référentiel islamique tel que défini par la confrérie.

 

            Les frères musulmans se réfèrent au modèle multiculturaliste en vigueur dans les pays anglo-saxons pour justifier leur demande du droit à l’exception culturelle. Ainsi on a vu ces dernières années se multiplier les demandes d’hallal dans les cantines scolaires, du port du burkini dans les piscines et d’horaires réservées aux femmes, d’aménagement des périodes d’examen pendant le ramadan, d’horaires réservées aux femmes dans les piscines. Les hôpitaux publics connaissent des incidents dès qu’il s’agit de faire examiner une femme par un médecin homme ! Outre les prières de rue, les couloirs de certaines universités sont fréquemment investis par la prière de certains étudiants musulmans. De même les contestations de l’enseignement d’histoire, de philosophie et de biologie se multiplient dans les collèges et lycées, rendant la tâche des enseignants difficile. Ils sont 30% à s’autocensurer pour éviter les conflits. La décapitation, en octobre 2020, du professeur d’histoire Samuel Paty pour avoir osé montrer à ses élèves des caricatures du Prophète, en est une tragique illustration. Un sondage récent a montré que 45% des musulmans âgés de 15 à 34 ans faisaient passer la loi de Dieu au-dessus des lois de la République. Faut-il y voir un échec de l’intégration ou au contraire l’influence croissante des réseaux sociaux et des chaînes satellitaires sur les jeunes musulmans ? Tant il est vrai que c’est de moins en moins par les mosquées que passe le discours à caractère islamiste que par les médias.  Ce qui paraît certain aujourd’hui, c’est que l’Islam est devenu un marqueur identitaire de la jeune génération musulmane, et un outil instrumentalisé par des partis comme celui des indigènes de la république (PIR) ou encore par une certaine gauche en perte de vitesse, qui a fait du musulman, la nouvelle figure de l’opprimé par le capitalisme occidental, une alliance contre nature entre marxisme et islamisme.

 

III- Des propositions pour lutter contre les entorses à la laïcité

 

1) Le financement des lieux de culte

 

Signalons la fin du financement saoudien pour les mosquées salafistes, une déclaration faite par le prince Mohammed Ben Salman en 2018. Une charte dite de la Mecque a été élaborée en 2019 par la ligue islamique mondiale (LIM) dans laquelle elle appelle les musulmans à respecter les lois de leur pays d’accueil, et qui sera réaffirmée lors du sommet de la LIM à Paris en septembre 2019. Par ailleurs l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes Unis et l’Egypte mènent un combat sans merci contre l’organisation des frères musulmans qui demeure toutefois soutenue par le Qatar, qui les appelle à renverser les régimes tyranniques, ce qui n’est pas pour plaire à ses voisins qui l’avaient marginalisé en 2017.

 

Les projets de grande mosquée finalisés comme celle de Mulhouse ont reçu d’importants financements qataris, mais depuis la déclaration du Président Macron de mettre fin au financement étranger du culte musulman, le Qatar semble avoir pris acte de cette décision et a récemment refusé d’octroyer une aide au Mîlli Görüs pour la construction de la grande mosquée de Strasbourg inachevée depuis 2019.

 

Comment la République compte répondre aux besoins de construction de mosquées qui sont manifestement insuffisantes pour permettre aux musulmans de France de disposer de lieux de prière autres que clandestins et non contrôlables ? Une taxe sur le hallal a été proposée par le rapport El Karoui publiée en 2016. On peut aussi envisager l’organisation de quête dans les mosquées le Vendredi et denier des cultes, avec un avantage fiscal à l’image de ce qui se fait dans les églises catholiques.

 

Si on étend à l’Islam le concordat en vigueur en Alsace-Moselle, les subventions publiques à la construction des lieux de culte, doivent impérativement être conditionnées par la signature de la charte de l’islam en France, avec interdiction d’en faire un lieu de propagande pour une organisation islamique affiliée à un Etat étranger. Il serait préférable de mettre fin au concordat dans tout le territoire français, car sa raison d’être est aujourd’hui dépassée.

 

Nous devons veiller par ailleurs à ce que les mosquées ne se transforment pas en lieu de communautarisation des musulmans, lorsqu’elles proposent des services autres que cultuelles. Ainsi la mosquée cathédrale de Mulhouse, comporte outre des salles de prière, des salles de classe pour l’enseignement de l’arabe centré sur la lecture des textes scripturaires, et des espaces de loisirs.

 

2) Le financement des associations et des établissements confessionnels musulmans

 

Bien des associations sont devenues des sous-officiers islamistes, qu’il s’agisse des clubs de sports, de l’aide aux devoirs, de l’humanitaire, des associations étudiantes, féministes etc. Les frères musulmans utilisent largement le tissu associatif pour propager leur idéologie auprès des jeunes et des populations vulnérables. Aussi, aucune subvention publique ne devrait plus être accordée à des associations qui ne respectent pas non seulement la laïcité, mais encore l’objet de leur création tel qu’inscrit dans leurs statuts. Pour cela, les élus locaux doivent surveiller les associations présentes sur leur territoire, et signaler tout manquement à leurs obligations au préfet. Il faut en finir avec les complaisances et les compromissions dont usent nombre d’élus de la République pour reconduire leur mandat, au mépris de l’intérêt général.

 

Concernant les établissements confessionnels, il faut distinguer les établissements sous contrat et ceux hors contrat. Les établissements sous contrat reçoivent des subventions publiques, et leurs enseignants sont pris en charge par l’éducation nationale. Dans ces établissements, les filles sont voilées et des espaces de prière sont aménagés pour les élèves. Si on prend le cas du Lycée Averroès de Lille ouvert avec la bénédiction de Mme la maire Martine Aubry, on ne peut pas y enseigner librement la philosophie lorsqu’il s’agit de questionner l’existence de Dieu ou l’invention humaine des religions (un professeur l’a quitté pour cette raison), pas plus que la théorie de l’évolution remplacée par le créationnisme. Des intervenants qataris y sont invités par le proviseur qui n’est autre que Amar Lasfar président de la branche frériste française l’UOIF devenue « musulmans de France », et comme tout établissement privé, les élèves qui n’ont pas une excellente moyenne sont priés de le quitter. Et ce lycée n’est pas le seul à ne pas respecter la charte de la laïcité et le référentiel de l’éducation nationale. Mohammed Louizi (6), un ancien frère musulman qui a quitté la confrérie ne cesse de demander la fermeture de ce lycée auquel par ailleurs Xavier Bertrand vient de refuser la reconduction de la subvention annuelle.

 

Les établissements hors contrat appartiennent à des groupes scolaires, et leur nombre a considérablement augmenté ces dix dernières années dans les zones classées REP et REP+. Les familles qui y scolarisent leurs enfants dénoncent la mauvaise qualité de l’enseignement et du niveau des élèves des établissements publics dans les quartiers défavorisés. En réalité ils scolarisent des élèves issus des classes moyennes dont les parents ont les moyens de s’acquitter de frais de scolarité relativement élevés. D’ailleurs lorsqu’on visite leur site Web, aucun renseignement sur les tarifs de ces écoles n’est mentionné. Le programme y fait une large part à l’instruction religieuse dont l’apprentissage du Coran, et les filles tous âges confondus sont voilées. Les ouvrages proposés pour l’apprentissage de l’arabe, présentent des images de femmes et de poupées voilées, afin de naturaliser cet accoutrement chez les enfants.

 

Il est impératif que ces établissements qu’ils soient sous contrat ou hors contrat, fassent l’objet d’une inspection régulière et pas seulement pour dénoncer les vices relatifs à la sécurité des enfants, mais aussi pour vérifier la conformité des enseignements aux principes républicains. Faute de quoi, il ne sert à rien d’interdire telle ou telle organisation islamiste, si le système scolaire comporte en son sein des établissements qui forment les futurs frères musulmans, appelés demain à occuper des emplois voire à gouverner.

 

3) La nécessité de sanctuariser les établissements scolaires

 

Nous assistons à une montée en puissance de la contestation de certains enseignements du collège à l’université, dès lors que leur contenu heurte la sensibilité de certains élèves musulmans souvent issus de familles salafisées ou fréristes. Nous ne pouvons accepter que les enseignants s’autocensurent pour échapper à la vindicte de leurs élèves et de leurs familles, qui prend aujourd’hui une ampleur dramatique avec les réseaux sociaux où l’enseignant peut être en un clic jeté en pâture et exposé à des représailles y compris meurtriers (cf. le cas Samuel Paty).

 

L’enseignement ne doit souffrir d’aucune contestation de nature religieuse ou idéologique. Les élèves doivent être informés que le savoir enseigné relève de l’universel et ne peut en aucun cas être particularisé. Il serait bon d’inclure dans les programmes les savants de l’âge d’or de l’Islam qui ont largement contribué au progrès de la connaissance universelle, et bien souvent ignorés et des élèves et des enseignants. Encore une fois, l’islamisme est un totalitarisme obscurantiste qui rejette les grandes figures de la science, de la philosophie, de la littérature, de l’histoire, de la physique, la chimie, la médecine, qui ont largement participé à l’édification d’une civilisation universelle.

 

Il est urgent de rétablir l’autorité des enseignants bafouée par des réformes pédagogistes qui ont placé l’élève au centre du dispositif scolaire, et oublié le rôle formateur des enseignants sans lequel les élèves ne peuvent accéder en toute autonomie à la construction du savoir. Aujourd’hui la parole des élèves est plus crédible que celle de l’enseignant, systématiquement discrédité et auquel l’administration lui oppose son incapacité à tenir une classe !

 

4) Une pression croissante sur la France de l’Europe et des Etats-Unis en faveur du multiculturalisme

 

Nous ne devons pas céder à l’éloge du multiculturalisme qui a aujourd’hui ses ambassadeurs.

 

Depuis plusieurs décennies, le « multiculturalisme » alimente le débat public dans les démocraties occidentales. Ce terme est régulièrement convoqué pour décrire une variété de phénomènes sociaux : flux migratoires en Europe, programmes éducatifs aux Etats-unis et au Canada, ou encore la place de l’islam dans les pays de l’Europe de l’Ouest. Il se trouve au centre de thématiques cruciales comme la cohésion sociale ou le devenir de l’Etat-nation.

 

D’un point de vue sociologique, ce terme désigne l’hétérogénéité ethnique, culturelle et religieuse d’un pays. Dans le cas des pays occidentaux, cette hétérogénéité résulte de l’immigration postcoloniale. La question est de savoir s’il faut valoriser cette diversité ou au contraire protéger l’unité de la Nation par des programmes assimilationnistes. Du point de vue de la philosophie politique qui étudie entre autres les questions relatives à la justice et au bien commun, la valorisation de la diversité est une nécessité dans une perspective de justice sociale. Elle constitue une réponse normative à la diversité : au nom du respect de l’authenticité des individus, la préservation des cultures et des langues minoritaires doit être encouragée, voire célébrée. Il s’agit dans cette optique d’approfondir l’idéal démocratique en proposant une conception de la justice incluant l’expression des cultures minoritaires dans la sphère publique. Cela permet aux individus et aux groupes se réclamant d’une identité différente de celle de la majorité de bénéficier de mesures assurant la promotion et la perpétuation d’une culture y compris dans sa dimension confessionnelle. Ainsi une société diversitaire doit placer sur le même pied d’égalité toutes les cultures et leur offrir les instruments politico-juridiques pour s’exprimer. (7)

 

Les pouvoirs publics jouent un rôle actif afin d’assurer la reconnaissance équitable des différentes cultures en donnant aux individus les moyens de cultiver et de transmettre leurs différences. Le multiculturalisme est institué au Canada, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, qui pratiquent ce qu’on appelle « les accommodements raisonnables ».  Il est aujourd’hui défendu au sein de l’UE par la Suède mais aussi le CEDH.

 

Le modèle différentialiste est antinomique avec la tradition plutôt assimilationniste de la France, au nom de l’effacement des différences identitaires dans l’espace public, qui participe d’un souci égalitaire de tous les citoyens et de l’universalité de la loi. Le droit français est un droit de l’individu, émancipé de toute appartenance ethnico-confessionnelle. Les droits particuliers reconnus aux minorités sont incompatibles avec notre conception de la Nation, même si des exceptions existent, comme l’enseignement obligatoire du basque dans les écoles primaires, et le régime concordataire en Alsace-Moselle.

 

En définitive, le multiculturalisme d’essence libérale, est un principe qui s’inscrit dans le prolongement d’une idéologie qui nourrit une aversion pour l’Etat-nation unitaire et le principe de l’universalisme des droits, leur opposant des droits particularistes au nom de La Défense des identités qui doivent être librement vécues et assumées. En louant le différentialisme au nom de la liberté, le multiculturalisme livre pieds et poings liés les citoyens au diktat de leurs communautés respectives, leur déniant ainsi tout droit d’exercer leur libre arbitre, en les assignant à leur identité. Il conduit également à un éclatement de la cohésion nationale, en transformant la société en îlots identitaires compartimentés. En se focalisant sur la reconnaissance des identités, le capitalisme globalisé est ainsi débarrassé de toute contestation sociale portant sur la répartition de la valeur ajoutée, la précarisation et l’uberisation de l’emploi, la dégradation des conditions de travail.

 

 

Bibliographie

 

2- « Comprendre le salafisme ». Mohamed-Ali Adraoui. Ed. L’Harmatan, coll. Comprendre le Moyen-Orient.

3- « Le marché Halal ou l’invention d’une tradition ». Florence Bergeaud Blackler . Ed. Seuil

4- « Les frères musulmans dans le texte ». Joachim Veliocas . Ed. Tatamis

     « Le Projet. La stratégie de conquête et d’infiltration des frères musulmans en France et dans le monde ». Alexandre Del Valle et Emmanuel Razavi . Ed. L’Artilleur.

5- « Les territoires conquis de l’islamisme ». Sous la direction de Bernard Rougier. Ed. PUF

      « Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école ». Jean-Pierre Obin . Ed. Hermann

6- « Pourquoi j’ai quitté les frères musulmans. Retour éclairé vers un islam apolitique ». Mohammed Louizi

    Ed. Michalon.

7- « La gauche identitaire » : l’Amérique en miettes. Mark Lilla . Ed. Stock

    « Philosophie du multiculturalisme ». Paul May Ed. Les Presses Sciences Po

    « Le multiculturalisme comme religion politique «. Mathieu Bock-Côté. Ed. Du Cerf.