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Pour une république souveraine laïque et sociale

La nuit du 4 août ou la nuit des étoiles filantes

Par Vida AZIMI, le 8 août 2019

Vida AZIMI est historienne du droit, directrice de recherche au CNRS

Facétie astronomique, la nuit du 4 août (1789), marqueur généalogique de notre histoire, celle de l’abolition des privilèges, a coïncidé cette année avec la nuit des étoiles  filantes. Ceux qui se sont plongés dans les archives révolutionnaires, au moins dans les Archives parlementaires imprimées, retiennent leur souffle devant le spectacle d’une Assemblée, présidée par Mathieu de Montmorency-Laval, le plus jeune élu de la Constituante, ami des philosophes, ayant participé à la guerre d’Amérique, sectateur de Sieyès et pénétré de principes révolutionnaires, le premier baron chrétien du royaume, de maison immémoriale, déposant ses lettres de noblesse sur le bureau de l’Assemblée, dans l’enthousiasme général y compris celui des élus aristocrates, et s’écriant que la future constitution devrait être précédée d’une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « En produisant cette déclaration, donnons un grand exemple à l’univers ; présentons-lui un modèle digne d’être admiré. » La proposition sage de l’abbé Grégoire d’adjoindre à cette déclaration, une déclaration des devoirs fut écartée. Folle tête jeune, qui avait prêté le Serment du Jeu de Paume, appuyant la vente des biens nationaux, lors même que Sieyès tonnait : « Ils veulent être libres et ne savent pas être justes. » Le 19 juin 1790, il préconise l’abolition des armoiries pour que « tous les Français portent désormais les mêmes enseignes, celles de la liberté ». Or la Déclaration des droits et du citoyen du 26 août 1789, frontispice à la Constitution de 1791, pose en son article 1, l’égalité de droits et la liberté de tous les hommes, mais aussi un alinéa que nul ne rappelle : « Les distinctions sociales sont fondées sur l’utilité publique. » Et le roi devint Louis Capet et « premier fonctionnaire public. » Les préjugés idéologiques de ceux qui font de la Révolution française, « le cimetière des aristocraties » (W. Pareto), oblitèrent la volonté des révolutionnaires de former une nouvelle élite ; l’Ancien Régime nous avait donné l’Ecole des Ponts et Chaussées, Polytechnique et Normale Supérieure sont de création révolutionnaire. Il faudra attendre la IIème République pour que qu’un Hippolyte Carnot (fils du grand Lazare) proclame : « Notre première pensée, une école d’administration ». Le désir de suppression de l’ENA ne peut faire abstraction de son histoire. Pour l’historien du droit, Pierre Legendre, l’ENA « est le miroir de la nation ». Or il en est des privilèges comme de la comète de Halley qui devient visible régulièrement depuis toujours.  En 912, « les Annales d’Ulster » indiquent une : « Année sombre et pluvieuse. Une comète est apparue. » En 1910, lors de son passage, on crut que la Terre allait traverser la queue de la comète et que ce serait la fin du monde. Or, il n’y eut aucun danger, seulement une pluie d’étoiles filantes. Daumier a immortalisé dans une caricature célèbre la peur insensée des bonnes gens. Révolution scientifique, révolution politique, « en même temps », voilà où nous en sommes encore !

Rappelons que l’ouvrage programmatique du candidat-Président Macron (lui aussi le plus jeune de nos Présidents) avait pour titre : « Révolution » ; La République en marche dont l’actuel président du groupe parlementaire Gilles Le Gendre a estimé que leur tort avait été « d’être trop intelligents pour nous », les manants, fantassins de la démocratie, « chair à contributions » (Paul Gauguin) a laissé un champ de ruines politiques. Le grand débat s’est limité à un génial soliloque où notre brillant Président faillit dépasser la longueur des discours de Fidel Castro. Le gouvernement a un personnel intérimaire. La transparence poussée à l’extrême frise le totalitarisme et l’on assiste à des affaires de corne-cul. L’Europe, l’Europe est le nouveau mantra, credo insurpassable néanmoins indéfinissable. Le désordre climatique engendre une Greta Thunberg, pythie adolescente de l’écologie, une « Rainkid », petite-cousine de « Rainman » et tout le monde égaré et hypnotisé se couche devant elle, au prétexte qu’elle a le syndrome d’Asperger. S’il est indispensable de s’occuper de l’autisme et des graves problèmes auxquels ces enfants et leurs pauvres parents sont confrontés, il n’est guère utile de tirer du lot une prodige. Le monde marche sur la tête comme dans Alice de Lewis Carroll. Voilà aussi un inventaire à la Prévert, à compléter et surtout à mettre en ordre. Tout est maintenant en vrac et gêne la réflexion et l’action. Dans le labyrinthe détruit, il nous manque le fil d’Ariane.

Dans la température caniculaire de cet été, on discute non du sexe des anges mais d’une opération esthétique. Cela rappelle le général athénien du Ve siècle, Alcibiade, qui coupa la queue de son somptueux chien, « pour qu’on en parle » (Jacqueline de Romilly). La vie politique comme la nature a horreur du vide. On ne demande pas une République qui marche mais un régime qui fonctionne. Une note optimiste :  le désert de la pensée laisse tellement désirer une Nouvelle France Libre…